Ery, seul et pensif.

La marche, c’était un bon moyen de réfléchir. Certes, Ery n’était pas un grand intellectuel, mais il avait besoin comme tout le monde de faire le point à un certain moment. Il allait bientôt aller voir Drank Kree, le fameux bâtisseur étranger en charge de la construction de l’arène. Est-ce qu’il fallait qu’il se prépare avant ? Serait-il assez fort pour faire partie de l’équipe ? Deux questions qui se rejoignaient et auxquelles il n’avait pas de réponse. Marchant dans les rues de la ville qu’il connaissait depuis son plus jeune âge, il trouvait du repos dans la vue de ces murs si souvent côtoyés. Lorsqu’il était petit il était bien plus insouciant qu’aujourd’hui. Âgé de dix-neuf ans il était grand temps pour lui de trouver un véritable métier qui pourrait lui permettre de nourrir une famille et de vivre indépendamment de ses parents. Dix ans plus tôt il se contentait de jouer avec les autres garçons, s’imaginant de grandes aventures où ils étaient de grandes figures historiques.

Aujourd’hui Iris allait pouvoir faire la cuisine et préparer ses lapins à la vente, ça lui permettrait d’en tirer quelques sous de plus. Autant dire qu’il était relativement de bonne humeur ! Assis sur un muret comme il en avait l’habitude lorsque les beaux jours était là, il attendait patiemment que le temps passe tout en observant les alentours d’un œil amical. Le ciel était bleu, une chance lorsqu’on sait à quel point les jours de pluie sont mauvais pour le marché ! Oui, car il comptait bien aller pour la première fois sur le marché dans le but de proposer ses produits ! Il fallait juste que l’heure où sa mère partirait arrive. En attendant il laissait son esprit flâner.

Là, un grand gaillard se profila dans l’arrivée de la ruelle ! Voyez-vous ça… Il se demanda un moment si ce n’était pas un homme d’arme étant donné sa carrure mais non, c’était un simple jeune tout comme lui, un type qui sans doute n’avait pas plus de métier que lui pour être en train de se promener en plein milieux de la journée.

Les ragots ne faisaient pas le pain quotidien d’Ery, mais il fallait bien avouer qu’il en entendait parfois. Lorsque son regard se posa sur Iris Fauche, le nom de celui-ci ne vint pas au manutentionnaire, mais une anecdote réapparut cependant. On lui avait montré Iris du doigt, un jour qu’il était à la taverne et on lui avait dit que c’était l’ancien cocul de l’aînée des filles Bérangère. Un malheureux jeune homme qui avait été affecté par la chose et était devenu de plus en plus malsain. Il s’était métamorphosé depuis le gendre parfait jusqu’au jeune décadent ! De toute évidence, vue son activité et l’heure de la journée, il était aussi inactif que lui. Il fallait bien dire qu’il n’était pas rare de se retrouver sans personne à qui parler lorsqu’on était jeune et que la plupart des gens travailler. Le manutentionnaire se trouva le besoin de se changeait les idées et s’approcha donc du charmeur avec un signe de la main à son attention.

"Salut, je m’appelle Ery, je vis à quelques mètres d’ici, près du vieux barbier."

Iris afficha un petit sourire lorsque l’adolescent vint le voir. Lui-même encore assez jeune, il était cependant plus âgé et son absence de métier le mettait d’autant plus dans l’embarras puisque c’était de moins en moins pardonnable chaque année. Aussi fallait-il dire que jusqu’alors il passait son temps à s’occuper de la vieille mère de sa bien-aimée. Une bien-aimée qui l’avait déshonoré sans grand effort. Les gens qui savaient cela arrivé à comprendre qu’il n’ait pas de travail, les autres étaient beaucoup moins conciliant. Les gens qui l’abordaient amicalement étaient de plus en plus rares. Lui qui n’avait rien à faire en cet instant accueillait donc avec grande joie la présentation de ce jeune homme bien bâtit qui se présenta brièvement. Le vieux barbier ? Oui, en effet, ça n’était pas bien loin ! Peut-être lorsqu’ils étaient plus jeunes s’étaient-ils croiser. Avec seulement trois ans de différence il était bien possible qu’ils se soient déjà croiser à l’occasion d’une bagarre ou d’une partie de jeu d’enfant !

"Iris, Fauche, je vis au coin de la rue." Il en profita pour montrer d’un signe de tête sa demeure. "Alors, Ery, tu as l’air aussi peu occupé que moi… T’as une idée de ce qu’on pourrait faire ?"

Ery se plaça contre le muret, croisant les bras tout en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. En agissant de cette manière il mettait bien en valeur sa carrure, une chose qu’il avait appris depuis tout petit en mimant l’attitude de ses frères devenus fantassins.

"Une idée de ce qu’on pourrait faire…"

Les idées, ce n’était pas vraiment le domaine de prédilection de cet adolescent qui jusque là avait toujours privilégié sa musculature à toute autre partie de son anatomie. Autant le dire, sa tête ne lui servait que rarement.

"Si tu parles d’un passe-temps, je n’ai pas vraiment d’idée. Si tu parles d’un métier, je compte aller postuler au chantier pour devenir ouvrier. On dit que c’est mieux payer que la simple manutention et qu’on demande à peu près la même chose aux gens qui ne sont pas qualifiés. C’est un travail dur mais tant que ça permet de manger, pas vrai ?"

Ery lui proposait deux réponses puisque sa question lui semblait ambiguë. Le beau parleur hocha tranquillement la tête, il était vrai que la chose n’était pas forcément évidente puisqu’il n’avait pas précisé. Iris pensait plutôt à trouver un passe-temps et non un métier, puisqu’il avait déjà nombre d’idées pour gagner de l’argent sans avoir de gros efforts physiques à faire. Apparemment son interlocuteur quant à lui était beaucoup plus à même de fournir de la puissance musculaire. Le charismatique jeune homme réprima un sourire, il venait d’avoir une somptueuse idée. En effet, son interlocuteur qui de toute évidence allait devenir ouvrier risquait de développer une certaine musculature. Même si ça n’était pas suffisant pour affronter des bandits, ça l’était bien assez pour calmer des commerçants mécontents… Comme Clarion par exemple ? Il serait bon d’avoir ce brave garçon à ses côtés. Le payer en tant que mercenaire ? Comme le faisaient les grands marchands ? Non, il ne pouvait pas se le permettre. Alors peut-être que s’il s’en faisait un ami ça suffirait à s’assurer son soutien ? Après tout il était plutôt amical et n’avait pas vraiment l’air de ne pas l’apprécier.

Sa manière de penser le surpris un peu, Fauche n’avait jamais été du genre à agir ainsi, de manière calculatrice et prémédité. En un instant il prit conscience de toute l’influence qu’avait eue sur lui la trahison de son ancienne aimée. A présent il n’était plus étranger aux manœuvres intéressées et fourbes. La vilaine ne l’effrayait plus, il n’avait plus peur pour son honneur… Sauf en cet instant. Car il prenait conscience qu’elle le lui avait peut-être enlevé… Il observa Ery sans rien dire durant un instant puis finalement ouvrit la bouche en souriant :

"Oui, un métier qui permet de vivre est un bon métier. Cependant, j’avoue ne pas être bien doué pour vouer mon corps aux tâches difficiles, je suis un peu faiblard alors bon… Je fais avec le reste ! J’essaie de nouer les bonnes alliances, trouver les bons filons. Je n’ai pas la chance d’avoir une carrure aussi imposante que la tienne ! Mais bon, dans mon malheur j’ai une chance, je n’ai que des sœurs, je suis encore le plus musclé de la fratrie ! Pas le préféré, certes, mais bon…"

En observant Iris, il était facile de se rendre compte que celui-ci pensait à quelque chose d’autre… Pourtant il n’y avait rien de compliquer à sa question quant aux métiers à ce qui lui semblait. Ery demeura cependant tacite, ne voulant pas incommoder son interlocuteur qui finalement lui avoua ne pas être fait pour les métiers manuels. Le manutentionnaire sourit à son tour et répondit :

"C’est vrai que certaines personnes ne sont vraiment pas faites pour ça… Ca doit venir de l’éducation ou du vécu ! Moi j’ai toujours passé du temps à transporter des choses, ça me semble évident de gagner ma vie de cette manière. Mais peut-être que tu as pris des habitudes à faire autre chose et que tu gagneras de l’argent de cette manière."

Sans ajouter un mot, l’adolescent à la carrure imposante se mit à imaginer son interlocuteur. Oui, il imaginait Iris en train de se produire sur scène, une harpiste à ses côtés. Ca pour sûr, il n’avait aucun mal à parler… Peut-être ferait-il bonne figure en tant que conteur ? Ce n’était pas de la moquerie, c’était vraiment la pensée du jeune homme aux cheveux bruns et aux yeux sombres.

Iris observa le manutentionnaire tout en souriant, oui de toute évidence il avait passé de nombreuses journées à transporter des charges lourdes, contrairement à lui. Leur différence de carrure était assez flagrante lorsqu’on les mettait côte à côte. Il hocha tranquillement la tête pour acquiescer aux dires de son interlocuteur, oui, chacun faisait selon ses prédispositions, celles-ci découlant de toute évidence directement des habitudes de tout un chacun. Bien souvent c’était en suivant la voie tracée par ses parents, parfois par ses amis, rares étaient ceux qui suivaient vraiment leur propre chemin sans aucun guide. C’était d’ailleurs pour ça que c’était les plus admirés en général. Lorsqu’on parvenait à apprendre et à accomplir quelque chose par soi-même, sans aucune aide extérieur, on obtenait plus de crédit qu’en ayant été aidé. Mais Iris ne cherchait pas vraiment cette gloire-là, en effet, selon lui savoir tisser de bonnes relations était en soi une preuve d’efficacité. D’ailleurs c’était une bonne chose que de discuter avec un jeune homme qui voulait de toute évidence accroître sa carrure. La force était une bonne aide lorsqu’on voulait devenir marchand, aussi bien dans le but de transporter les marchandises que dans le but de protéger ses étalages contre le mécontentement de certaines personnes. L’avantage à vendre de la nourriture, c’est qu’on n’intéressait pas les marchands de la guilde qui pour la plupart préféré des affaires plus avantageuse, mais d’un autre côté on avait des paysans sur le dos… Ceux-ci, bien que disposant de moyens moins important étaient loin d’être faciles à vivre ! Enfin bon, il fallait qu’il y a aille, il avait des lapins à préparer et il faudrait qu’il les vende ensuite ! Il lança alors à Ery :

"Bon, il faut que j’y aille, Ery. Je serai heureux de te revoir un de ces jours. Si ça te dit, je serai sur la rive du fleuve, en amont, dans trois jours. On pourra continuer à parler !"