A la recherche de quelques pièces.

La vie est belle lorsqu’on est jeune ! Mais bon, son père le lui avait fait comprendre, il ne pourra pas vivre ainsi indéfiniment il arriverait un moment où ses parents devraient compter sur lui et non l’inverse. Ca ne le mettait pas de mauvaise humeur, il s’ennuyait assez souvent ces derniers temps, il voyait cette nouvelle "mission" comme une aubaine. Ca lui permettrait de s’occuper un peu plus ! Attentif à ce que lui avait dit son père il s’était donc rendu vers la place du marché. Après un moment à observer les étales, le jeune homme compris bien vite qu’il ne gagnerait pas grand-chose à trouver un travail régulier. Il lui faudrait sans doute trouver quelque chose d’un peu plus excitant, de plus entraînant et de plus lucratif. Les métiers d’armes n’étaient sûrement pas pour lui… Peut-être que coursier ? Non, c’était comme tout, on commence à travailler pour des gens insignifiants avec un salaire de misère. Non, il lui fallait autre chose. Voler ? Non… Quoi que ? Le jeune homme décida de prendre les choses en main et alla voir un commerçant qui se trouvait là à vendre de la nourriture.

"Bien le bonjour."

Le commerçant observa son interlocuteur d’un œil avisé. Un jeunot, sans doute venu là pour prendre les commissions de la famille. Et bien ça devait compter plusieurs pièces de cuivre, de quoi vendre une poule ou deux. Il resta un instant sans rien dire, lorsqu’enfin le type le salua, le commerçant lança :

"Bonjour, qu’est-ce que je peux pour toi mon gars ?"

Comme bien des commerçants du bas peuple qui rencontrent les clients du bas peuple, le commerçant lui répondit avec familiarité. C’était une bonne chose, lui-même n’était pas toujours apte à tenir compte de l’étiquette si fidèle aux personnes de la haute société. Sur le coup, le jeune homme se sentait assez proche de cet inconnu, ils étaient tous les deux dans le mauvais sac, celui où l’argent est rare. L’idée qu’il avait eu été simple, arnaqué le brave en homme en prétextant être envoyé par un noble ou mieux encore, le clergé. Une chose qu’il valait mieux ne pas s’amuser à faire trop souvent, mais une seule et simple fois ? N’était-ce pas tentant ? A présent il doutait, le gars en face de lui était sympathique et semblant du genre franc voire même pire, honnête ! Alors comment s’attaquer à quelqu’un comme ça ? La conscience, le remords, des choses bien peu sympathique lorsqu’on veut se jouer de quelqu’un et non s’en faire un ami. Iris ne savait plus trop quoi dire mais il s’efforça de ne rien montrer. Finalement il fit une moue de mécontentement et jeta un regard hautain sur la table.

"Ces lapins, tu les tires de ton clapier ou de la forêt ?"

Le vendeur de lapin observa son interlocuteur avec un mélange d’indignation et de crainte. Il sentait les pièces s’éloigner petit à petit de sa bourse. Lorsque l’homme qui lui faisait face, et qui semblait être sorti en retard de l’adolescence, lui posa une question si étrange il serra les dents violemment et lança d’un ton qui masquait à peine son hostilité :

"La chasse sans autorisation est un délit… Seul l’élevage est autorisé pour les gens de mon rang. Tu devrais le savoir."

Voilà, il y venait tout seul. Le jeune homme hocha la tête d’un air entendu, il était sut de tous que les animaux de la forêt n’appartenaient pas à tout le monde mais bien à l’autorité responsable du terrain. Etant à Muni’Mura se devait être le Saint Conseil sans aucun doute et le type qui était en face de lui n’avait rien d’un homme qui connaît personnellement les hauts représentants du pouvoir Divin. Toujours avec ce même air insatisfait, le jeune homme sortit son canif et écarta légèrement la tête d’un des lapins pour l’observer avec plus grande attention. Puis il secoua légèrement la tête. Il regarda ensuite les poules du commerçant et poussa un long soupir. Iris était bel et bien en train de se prendre au jeu. Il finit par planter son regard dans celui de son interlocuteur en replaçant dans sa poche sa lame qui lui servait à couper la viande comme toute autre sorte de chose.

"Sa Sainteté n’a plus de viande dans son cellier. Et bien entendu, que Jaïna me vienne en aide, Lullan lui a conseillé qu’un lapin serait le meilleur des repas. Or, il ne veut pas un lapin d’élevage. Et sur qui tout ça tombe ? Je vous le demande… Moi ! Comme si je m’attendais à ça, être obligé de chercher un braconnier pour le compte de l’Eglise. Si vous voulez mon avis, Vorant a oublié de les conseiller depuis bien longtemps !"

Le commerçant observa le jeune homme d’un air perplexe lorsque celui-ci inspecta sa marchandise. Finalement il écarquilla les yeux en entendant parler de Sainteté et faillit s’étouffer dans l’allégresse en écoutant le discours de l’inconnu. Finalement un grand sourire aux lèvres, l’homme l’arrêta bientôt dans ses lamentations :

"Ne cherchez plus l’ami… La Sainteté ne saurait souffrir aucune avarie. Il est de notre devoir de bon citoyen que de pourvoir à leurs besoins les plus élémentaires, la nourriture en fait parti."

Discret, il ne voulait pas de mauvaise publicité.

"Ne vous inquiétez pas, mon fils saura vous montrer où trouver de précieux articles, moyennant une petite aide de votre part bien entendu."

Intérieurement Iris freina des quatre fers. Non ! Pas de dépenses ! Il n’en avait pas les moyens ! Il était hors de question qu’il se permette d’acheter quelque chose au dessus de son prix sans être sûr de faire de bons bénéfices derrière. Serrant les dents de la façon la plus discrète possible il laissa le commerçant attendre sa réponse avec un tant soit peu d’appréhension. Puis il lâcha un sourire et s’approcha de lui, lui tendant la main tout en posant l’autre sur sa bourse. Regardant l’homme droit dans les yeux il lança d’un ton de conspirateur :

"Bien entendu, ça va de soit, mais comprenez que je ne dispose que du reste des cuisines, nous avons déjà fait bien des achats en épices et autres mets. Naturellement je pourrai payer un peu plus cher, mais je n’ai pas la richesse du clergé à ma disposition. C’est entendu ?"

Le commerçant déjà bien heureux de se faire un supplément sur un marché pourtant interdit hocha vigoureusement la tête tout en serrant bien fort la main de son client.

"Ca va de soit. Un lapin habituellement vaut trois pièces de cuivre, cinq s’il est vraiment gros. Disons six pièces pour un bon lapin de nos belles forêts. Je vous laisserai payer mon fils une fois la marchandise en votre possession, d’accord ?"

Il tapota l’épaule de son interlocuteur et ajouta :

"Au fait, mon nom est Clarion."

Le vendeur attendit qu’on lui réponde puis il se tourna vers un jeune homme qui s’occupait à faire une petite sculpture qui témoignait d’un talent naissant pour l’art de tailler le bois. Il le saisit par la nuque pour l’approcher et lui parlait avec assez de rudesse. Finalement l’adolescent leva les yeux sur Iris que lui montrait son père et répondit par l’affirmative à sa question. Lorsque le commerçant se retourna vers son client il avait un sourire chaleureux :

"Il va vous conduire !"

L’adolescent au gabarit assez chétif baissa la tête en s’avançant vers le prétendu coursier de la Sainteté.

Iris regarda l’adolescent, il avait tout de l’artiste que le père ne supporte pas tant il n’est pas rationnel. C’était habituel, les parents préférés les enfants qui avaient le sens pratique plutôt que de l’inspiration. Les artistes ne ramenaient pas beaucoup de deniers à la maison, bien au contraire en général ils étaient des gouffres financiers, sauf bien entendu lorsqu’ils rencontraient le succès. La d’artiste ne connaissait pas de compromis, soit on était adulé, célèbre et riche, soit l’on était pauvre, rejeté et anonyme. Il salua brièvement le fils du commerçant puis hocha la tête à l’attention du père de famille afin de lui faire comprendre qu’il était prêt à partir :

"Quant à moi, je me nomme Harlaus. Et bien Clarion, au revoir et merci ! Votre fils vous reviendra avec l’argent !"

L’homme sourit d’un air entendu puis prit tranquillement la direction qui le mènerait vers la forêt, étant au centre de la ville il était à peu près à équidistance de tout ce qui entourait Muni’mura.

L'adolescent accompagna le client de son père jusqu'à la forêt. Une fois sortie de la ville il prit la direction d'un petit sentier puis longea un petit court d'eau jusqu'à une clairière. Là, à la lisière, un collet attendait, mais pas de proie. Le jeune homme entama alors un tour autour de ce petit morceau de plaine au milieu de la forêt. Au troisième collet, il trouva un lapin à la patte accrochée.

Iris accompagna son guide en silence, l’observant avec attention. Durant le trajet il ne vit rien qui put démentir sa première impression sur ce jeune homme. Il avait tout du gamin mal dans sa situation, que son entourage ne comprend pas vraiment. Pourtant Fauche voyait chez lui du potentiel dans son travail sur le bois. Finalement peut-être venait-il de trouver le parfait individu pour commencer à gagner de l’argent. Toujours silencieux il s’enfonça dans les bois, un lieu que peu de gens appréciait tant on savait qu’il était souvent le refuge des criminels. Et le père de ce jeune homme à défaut d’en être, était un délinquant, car il braconnait. Il risquait de perdre son travail en agissant de cette manière… Alors qu’il avait eu bien autre chose en tête, un plan se révéla à son esprit. Oui, en y réfléchissant il venait de trouver un moyen de tourner les choses à son avantage et de manière lucrative. Ils arrivèrent à la clairière, pensif, Iris était encore taciturne, quant enfin ils trouvèrent un lapin il fut cependant plus loquace :

"Une belle prise."

Il sortit de sa bourse six pièces de cuivre et les donna à son guide, ce après quoi il se pencha sur la proie du piège et saisit un rocher au sol. Il écrasa le crâne du lapin avec force à plusieurs reprises, afin d’être certain qu’il était mort, puis il le plaça dans son sac qu’il enfila ensuite en bandoulière. Il se retourna alors vers le sculpteur en herbe :

"Merci beaucoup. Au fait, tu sais, je t’ai vu faire avec ce morceau de bois tout à l’heure. Je pense que tu as un certain talent."

Ils étaient dans la forêt, personne ne risquait de les surprendre ici et encore moins le père de ce jeune homme, aussi, pendant qu’ils prenaient de nouveau le chemin de la ville, Fauche lui exposa-t-il une idée.

"Comme nous avons pu le voir, les pièges ne sont pas toujours efficaces. Tu pourrais peut-être bien devenir sculpteur."

L’humain se demanda un instant s’il devait demander l’autorisation à son interlocuteur avant de lui expliquait son plan. Mais en y réfléchissant bien, mieux valait sans doute l’appâter sans trop lui laisser le choix.

"Tu pourrais, à chaque fois que tu viens ici, mettre un gibier dans un sac à part, et me l’amener, je te les achèterai deux pièces de cuivre. C’est peu, certes, mais ça te reverser à toi directement, et non à ton père. Ca pourrait te permettre de t’acheter des outils et de t’émanciper. Certes, tu pourrais employer cette idée à ton compte, mais alors ton père serait vite au courant et ça tournerait mal pour toi. Tandis que si c’est moi qui me mets à vendre des lapins, ton père ne pourra me le reprocher. Qu’en dis-tu ? Nous serions tous deux gagnants dans l’histoire."

[Inventaire : -6 Pc +1 Lapin [4Pc de Nourriture]]

L’adolescent replaça le collet tandis que son interlocuteur s’occupait du gibier, puis lorsqu’il eût fini il l’accompagna en direction de la ville tout d’abord sans dire un mot… Lorsque finalement l’homme lui fit sa proposition le jeune sculpteur resta sans trop savoir que dire quelques secondes, finalement il demanda d’un air timide :

"Et si mon père le découvre ?"

"Je ne pense pas que ton père comprenne ce qui se passe avant un moment. En me voyant vendre des lapins il me soupçonnera peut-être de venir voler ses collets, mais il ne pourra pas faire appel à la garde pour ça et n’aura aucun intérêt à m’attaquer sans justification. Il ne pourra pas non plus m’accuser de braconner car il s’exposera à une enquête. Si jamais il comprend un jour que ça vient de toi, ça sera sans doute dans longtemps, tu auras déjà tes outils et un peu d’argent. Avec un peu de chance tu pourras même te trouver un maître artisan qui te permettra d’apprendre plus rapidement que par tes propres moyens. Même si le fait d’être un autodidacte est tout à ton honneur."

Iris lui servit un sourire rassurant et franc. Certes, il allait prendre une partie des revenus d’un homme, mais il ne prendrait que sur les bénéfices malhonnêtes de ce commerçant, et non sur un travail honorable. De plus il permettrait par la même à un jeune homme de tenir les rênes de son destin plus rapidement que lui. Lorsqu’à vingt-deux ans on était toujours sans emploi à Muni’mura, c’était mauvais pour la réputation comme pour la séduction. Il valait mieux être débrouillard alors pour pouvoir remonter la pente. Lorsque tout le monde est persuadé que vous êtes un incorrigible feignant, il était assez difficile de se trouvait un emploi !

"Les choses iront bien pour nous deux, je te l’assure. Rejoins moi dans deux jours, à l’entrée Est de la ville avec un lapin et je te paierai les deux pièces de cuivre que je t’ai promis."

Il lui sourit doucement et lui tapota l’épaule, il ne voulait pas que le jeune homme lui donne de réponse tout de suite. En laissant un délai de deux jours il s’assurait qu’il aurait au moins une proie à lui remettre et il s’assurait aussi qu’il aurait le temps d’y réfléchir. L’appât du gain mêlé à celui de faire ce que bon lui semble devrait facilement décider l’adolescent. Il quitta alors tranquillement sa compagnie en s’écartant après l’avoir brièvement saluer.

Le jeune homme semblait indécis et ne donna nulle indication quant à ses réflexions lorsque le client de son père décida de s'éloigner. Il le salua avec discrétion puis fit son propre chemin.

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