Un jour, à l'aube ...

La jeune Elya déambulait entre les échoppes et les commerces depuis déjà un long moment. Elle avait quitté sa demeure avant même le levé du soleil dans l'intention de trouver à son tour un moyen de faire rentrer de l'argent dans son foyer.

Depuis la mort de son père, sept hivers auparavant, ses deux frères travaillaient pour les faire vivre sa mère, elle, et eux mêmes. Ayant fêté la veille ses quinze printemps, elle s'était donné pour nouveau but, de ne pas être la seule à ne rien rapporter à la famille ... elle craignait secrètement qu'on ne finisse par se lasser d'elle et qu'on la marie à un homme répugnant mais riche ... ce qui ne serait bien entendu probablement jamais arrivé ... mais sait on jamais, on est jamais trop prudent n'est ce pas ?

Seulement voilà, s'il est très facile de décider un beau matin de gagner sa vie ... mettre cette grande idée en pratique est tout de même beaucoup plus complexe. Après avoir essuyé pas moins de sept refus consécutifs suivit d'un "Nous verrons cela avec nos supérieurs ... revenez dans quelques mois", ce qui, en soit, est tout de même très proche d'un refus, elle venait de décider qu'il lui fallait trouver autre chose que des échoppes vendant des tissus, des vendeurs de fleurs et autres objets de décoration, des pâtissiers et autres commerces ... il lui fallait trouver quelque chose de plus abordable, quelque chose ou une fille de son gabarit ne déclencherait pas l'hilarité générale en demandant à travailler ... quelque chose ou sa taille et sa rapidité seraient un atout ... quelque chose qui demandait d'être discret et silencieux ...

Qu'un emploi propose toutes ces caractéristiques était une utopie, elle le savait bien ... Si elle n'appréciait pas beaucoup le contact des autres à cause de sa timidité maladive, la plupart des gens recherchant un employé, préféraient les personnes souriantes, ayant la blague facile et l'oeil vif ... Oh, l'oeil vif, elle l'avait ... mais son indomptable chevelure cachait cette particularité à ceux qui la regardaient.

Elya finit par s'assoir dur une marche, observant d'un air absent les passants qui allaient et venaient. Certains venaient faire des achats, d'autres livraient quelque chose, passaient simplement par là, venaient rencontrer quelqu'un ... tous semblaient savoir ce qu'ils voulaient, comment ils le voulaient, et quand ... elle se faisait l'effet d'une petite fille perdue dans la ville. Poussant un soupir ronchon, elle releva légèrement la tête, ça n'était pas comme ça qu'elle allait servir à quelque chose !

Un garçon, un peu plus âgé qu'elle, se glissa soudainement entre les passants, resta un instant près de lui, puis disparu à nouveau dans la foule. Intriguée, la jeune fille observa l'homme en question pour essayer d'en savoir plus, d'une nature curieuse, ses habitudes indiscrètes ne l'étonnaient même plus.

L'homme se mit brusquement à crier, la tirant de ses rêveries.

"Ma bourse, ma bourse !!! Au voleur, à l'assassin !!!"

Un petit sourire amusé se peignit sur les lèvres d'Elya, cachée derrière ses cheveux. Le garçon avait été rapide ... rapide ... elle se savait rapide mais ...

Dans sa tête commencèrent alors à naitre d'autres idées ...

Il y avait dans la rue un peu d’agitation, l’occasion pour les badauds de s’arrêtaient un instant pour observer un garçon en train de partir à toute vitesse avec sans doute sous son manteau une certaine somme. Puis la vie reprit son cours bien vite, à part pour l’homme qu’on avait volé et pour les gardes qui se mirent à sa poursuite. Les gens se fichaient éperdument du malheur des autres lorsque ça ne risquait pas de les toucher. Certes, ils n’aimaient pas les voleurs, mais ça n’était pas une raison suffisante pour se mettre à la poursuite du premier malfrat non plus. Devant les boutiques, en cette petite matinée, un homme charrier une brouette pleine de morceaux de cuir. Un type transporté des sacs de laines. Un autre encore était en train d’observer avec soin la qualité d’un tissu écarlate d’une grande beauté, sans doute un homme riche qui voulait faire un cadeau à quelqu’un. Le marchand de tissu le regardait avec fort intérêt. Il n’y avait plus dans la rue qu’un garde, la main posée sur son arme, sirotant le contenu d’une gourde de cuir sombre. Le reste n'était que des gens du communs, la plupart sans doute en train de se rendre à un rendez-vous ou en train de flâner tout simplement.

Alors que l'idée grandissait en elle, sa conscience, elle, faiblissait. Bien sûr que ça n'était pas bien, bien sûr qu'elle pouvait se faire arrêter ... il y avait des centaines d'arguments qui la poussaient vers la voie de la raison, ou de la sagesse ... elle ne se souvenait plus du terme exact, mais l'un et l'autre étaient tous deux appropriés en la circonstance. Essayant elle même de se persuader que ça n'était pas une bonne idée, elle détourna les yeux, tentant de se concentrer sur autre chose ... mais même le marchand de poisson ne put retenir son attention plus de quelques secondes. Son regard était irrémédiablement attiré par la bourse pleine qui pendait tristement à la ceinture d'un homme en train de regarder des tissus coûtant probablement plus cher qu'elle ne pourrait jamais l'imaginer.

Ce fut la taille de la bourse qui la fit céder. Avec ce qu'il y avait là dedans, elle pourrait même rapporter un peu de viande chez elle, du bon pain et ... et tant d'autres choses ! C'était décidé, elle allait donc se lancer. Se faufilant tranquillement parmi les badauds, elle arriva à proximité de l'homme-à-la-grosse-bourse. Ce ne fut d'ailleurs qu'à partir de ce moment là qu'elle sentit son cœur s'affoler. Il se mit à battre plus vite, sa respiration s'accéléra légèrement, et elle se rendit compte qu'elle se concentrait férocement sur ladite bourse. Ces sensations n'étaient pas autant dues à la peur qui commençait à naitre doucement dans ses entrailles, qu'à l'excitation ... après tout, les jeunes gens sont souvent attirés par ce qui est interdit, mais rare sont ceux qui se lancent réellement ...

Avisant sur le sol un éclat de miroir, probablement abandonné là par un transporteur pressé et maladroit, elle s'en saisit le plus délicatement possible, le glissa dans un plis de ses vêtements ... et retira sa main vivement en sentant au bout de son doigt une vive douleur. Elle observa un moment d'un air ahuri la goutte de sang qui perlait au sommet de son index, récupéra le morceau de miroir, et le jeta par terre un peu plus loin ... inutile de se blesser davantage ...

Elle se glissa furtivement aux côté de l'homme, faisant comme beaucoup de serviteurs attendant leurs maitres en leur gardant une place devant un étalage afin qu'ils ne soient pas pris dans une cohue. Elle leva les yeux vers le vendeur, effrayée à l'idée que l'homme ai pu remarquer son petit manège, mais non ... ce fut avec soulagement que la jeune fille se rendit compte que l'homme en question gardait les yeux rivés sur les mains et le visage de son client potentiel.

Une petite bousculade arriva à point nommé. Deux hommes tombèrent en se battant et, mimant la frayeur, la jeune fille s'accrocha au manteau de l'homme-à-la-grosse-bourse en poussant un petit cri de surprise. Elle bondit aussitôt en arrière en se répandant en excuses.

"je ... je suis navrée je ... j'ai eu peur ... pardonnez moi monsieur !"

Se détournant vivement comme une enfant effrayée, elle se faufila à travers la foule, serrant entre les plis de ses vêtements la bourse qu'elle avait subtilisé en dénouant rapidement le lien de cuir qui la rattachait à la ceinture de son propriétaire ...

Les choses ne se passèrent pas telles qu'Elya les avaient prévus. Alors que le lien de la bourse s'avérait d'une complexité inattendue à délasser, une main rustre lui saisit le poignet et le tira vivement vers le haut. Le bras malmené communiqua une vive douleur à l'enfant qui sut alors ce qui l'attendait. Sa cupidité allait lui coûter une main si jamais elle n'arrivait pas à s'esquiver au tranchant d'une épée. Le marchand arma une solide taloche susceptible d'envoyer la jeune fille jusqu'au pays des songes, là où elle ne pourrait rien faire pour s'enfuir en attendant d'être conduite jusqu'à la garde pour vol. Mais il ne put la lui servir car un gamin aux longues dents lui rentra brutalement dans les côtes. Le Glarne mordit sans pitié le gras du dodu marchand qui bientôt envoya une claque dans la tête du jeune garçon. Celui-ci après avoir pousser un petit cri de douleur décida qu'il était temps de partir et quitta les lieux à toute vitesse.

Le marchand tant malmené lâcha la prise en un rien de temps et Elya put s’échapper immédiatement. Il la regarda fuir avec dans les yeux une haine bien sincère pour les voleurs. Massant ses articulations endoloris il se redressa du mieux qu’il put et hurla sur le garde qui était resté dans la rue sans rien faire. Celui-ci fronça les sourcils et secoua la tête avant de se lancer à la poursuite du Glarne qui était parti un peu plus tôt. La jeune Somte était donc en sécurité, tout du moins pour le moment. Cette première tentative n’avait décidément pas été probante !

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