Belauror

Encore une fois il acquiesçait… Traîner la bête, oui, il pensait en être capable. A vrai dire il y pensait même avant qu’on ne lui propose. La bestiole était certes assez imposante, il avait déjà porté des outils pour son père. Cependant la méthode qu’il utilisa, il l’avait vu en traînant près d’un chantier. Il accrocha le corps du bestiaux à son torse, la tirant grâce à une corde qui entourait son ventre. Il devait bien admettre que ce n’était pas confortable mais au moins c’était efficace. Contractant les muscles abdominaux pour éviter que la corde ne le dérange trop, il marchait péniblement, la chose faisant forcer une musculature déjà éreinté par les coups de la créature qu’il emmenait avec lui. Il toussa un long moment durant le voyage, se demandant si les assauts de la bestiole ne l’avaient pas plus amoché qu’il n’y paraissait. Il regarda les alentours d’un air pensif, le mauvais temps n’aidait en rien leur progression mais d’un autre côté il doutait de plus en plus d’être attaqué par des bandits. Et puis vu le truc qu’il trimballait derrière lui, il fallait être assez courageux pour s’approcher à son avis. Enfin bon, des criminels plus redoutables que lui, il devait y en avoir un beau paquet dans ce monde. Restait à savoir s’ils allaient en croiser. Alors que la ville commençait à apparaître au loin, il se tourna vers Delari et sortit enfin de son mutisme. Krall ne parlait pas souvent, mais une chose était certaine, il ne parlait pas pour rien.

"Les gardes ne sont pas habitués à la magie… Ils peuvent avoir peur. Va chercher le Prêtre Soliarc… Il nous aidera à comprendre et à faire entrer la bête à Muni’Mura… Et puis tu as plus besoin de soins que moi, je peux surveiller."

Krall attendait toujours patiemment des nouvelles de Delari. Il avait cessé de tirer la carcasse de l’immonde bestiole, ne tenant pas à être prit à parti par des gardes qui pouvaient tout à fait le prendre pour un sorcier. D’un autre côté il voyait dans cette carcasse un moyen de se prémunir des bandits. Qui viendrait attaquer quelqu’un qui transporté avec lui un tel monstre ? Il devait bien y en avoir, certes, mais des hommes assez fous ou assez puissant pour ça, rien ne pouvait vraiment l’en prémunir. Avec le temps il sentit l’énergie du combat le quitter, grimaçant légèrement, il observa la bête puis les alentours. La pluie était toujours là, elle donnait aux alentours obscurs des airs de cauchemar. Il soupira longuement, toujours personne pour venir lui dire d’entrer. Il finit par s’asseoir, reposant son dos contre le thorax de la bête, si jamais cette chose se remettait à respirer, il ne tenait pas à avoir l’attention ailleurs. Positionné contre cette carcasse, il se rendit compte que malgré la fatigue, malgré la douleur et les blessures, il avait encore à garder le dessus. A défaut de lui offrir une carrure impressionnante, son passé lui avait permis d’être quelqu’un de volontaire et de déterminé, tant et si bien que les choses qui affectaient son corps ne semblaient plus vraiment importantes pour son esprit. Il était parfaitement capable de continuer à se battre, il s’en rendait compte. Pourtant, dans ses côtes il sentait une sourde douleur qui le lançait à chaque inspiration, comme si quelque chose s’était brisé. Il repensa aux évènements de ces dernières semaines. Sa rencontre avec le marchand dans des circonstances plus que particulières, leur première mission, le premier homme qu’il avait tué, puis le second. Et ce bailli maléfique qu’il avait envoyé à l’exécution… Puis cette décision de leur offrir les chevaux du condamné, une décision de l’église, peut-être même des Dieux. Et l’endroit où ils s’étaient retrouvés, l’église encore une fois. S’ils étaient partis plus tôt, ils seraient passés avant que cette chose n’apparaisse. S’ils s’étaient rencontrés plus tard, ils ne seraient jamais parti ce jour là et auraient attendu le lendemain. Mises bout à bout ces coïncidences semblaient être le dessein des Dieux. Les avaient on envoyer chercher l’offrande dans le but de les tester ? Est-ce que c’était pour savoir s’ils étaient aptes à affronter la magie qui allait se manifester ? Il y pensa encore et encore. Tout partait de l’église, oui, les Dieux y étaient pour quelque chose. Car toutes les décisions des prêtres leur avaient offert ce qu’ils cherchaient. Le marchand avait de l’argent et le mercenaire avait des combats.