Les choses changent...

Krall était un homme beau, fort, courageux, adepte de boissons fortes et de belle femme, rien ne savait le faire vaciller et c’était toujours avec aisance qu’il apparaissait en société… Enfin c’est ce qu’il aurait été possible de dire si Krall n’avait pas été… Krall. En effet, ce jeune homme auquel l’adolescence avait offert un visage marqué de nombreuses imperfections n’était rien de tout ça. Non, il n’était ni beau, ni courageux, ni adepte de quoi que ce soit. Il était assez fort, du fait de ces deux derniers mois passaient à poursuivre le rêve de devenir mercenaire. Il n’apparaissait pas non plus avec aisance en société, à vrai dire les rares fois où il se retrouvait vraiment entouré c’était à l’église, du fait de sa foi et au marché, du fait de sa survie. Le jeune homme assez timide, et pas vraiment endurci par les morts qu’il avait fait, portait la pioche qu’il avait ramené de sa première quête. Celle-ci était accrochée à sa ceinture. Son cheval quant à lui le suivait avec quiétude, trouvant ce qui l’entourait inintéressant, l’animal sans être habitué à la ville ne semblait pas vraiment s’en souciait. Il le tenait par la bride pour s’assurer qu’il ne parte pas, mais le docile animal ne semblait pas vouloir lui fausser compagnie. Caressant délicatement le col de l’équidé un peu gauche, il se trouvait quelques ressemblances avec l’animal. En effet celui-ci n’était pas vraiment beau non plus et il n’était pas particulièrement imposant, cependant il avait de la force, puisque c’était un animal de trait. Son ancien propriétaire avait été exécuté en place publique, mais il ne semblait pas vraiment s’en souciait… A vrai dire tout semblait être terne aux yeux d’un pareil animal, tant et si bien qu’il paraissait complètement débile. Il n’est pas rare de voir un chien faire preuve d’intelligence, un destrier aussi, mais un animal de trait… L’adolescent se demanda un instant s’il n’en était pas de même avec les humains ? Après tout, une personne qu’on interpelle souvent et qui est sans cesse amenée à faire preuve d’intelligence ne le devient-elle pas plus qu’une autre à laquelle on adresserait jamais la parole. Les gens sont un peu comme le fer, pris à l’état brut ils sont mêlés à la roche et n’ont pas d’utilité, mais une fois extraits et passer entre le marteau et l’enclume, ils sont incroyablement utiles et parfois même surprenants. C’était à ça que servait la famille à ce qu’en savait le jeune homme, ça permettait de forger de manière à faire ressortir les qualités du minerai… Mais alors pourquoi sa famille ne l’avait-elle jamais aidé à suivre ses rêves, pourquoi semblait-il si inutile aux yeux de ses parents. Pourquoi fallait-il toujours qu’il se sente rabaissé et incapable de faire quoi que ce soit ? Il n’en savait trop rien, quoi qu’il en soit une chose était certaine, il avait déjà tué et ça ne l’avait pas tant dérangé que ça. Auparavant il pensait que le fait de tuer le rendrait malade, qu’il se poserait beaucoup de questions et qu’il en perdrait le sommeil. Il se basait sur des récits entendus dans une auberge ou dans la rue… Mais non, rien de tout ça n’était arrivé. Au contraire, une sorte de tranquillité s’était imposé en lui lorsque, le lendemain de ces châtiments au nom de la foi, il repensa à ce qu’il avait fait. Sans doute était-ce là les Dieux qui chassaient son remord pour le conforter dans l’idée qu’il était fait pour ça… Sans doute était-ce là la preuve qu’il devait poursuivre sur cette voie, un signe de la part de son homonyme. Aussi ce jour-là, le jeune homme se rendait-il à l’église pour les en remercier et pourquoi pas trouver conseil auprès d’eux ?

"Mes Dieux, merci pour votre aide et votre bonté, ces derniers temps ont étés particulièrement dur pour moi mais grâce à vous les choses ont l’air d’aller mieux. Merci mon frère, merci mon protecteur, vous m’avez été bien utile. Merci toi aussi mon amour pour la rencontre que tu m’as fait faire. Ce jeune homme avait des conseils avisés et il m’a permit de ne pas tomber dans un piège. Merci à vous tous pour votre soutien."

Le jeune homme qui venait de prier silencieusement, toutes ses pensées gardées tacites alors qu’il était agenouillé dans ce lieu de piété, embrassa sa main puis la porta à son cœur. Alors, il entendit des pas qui s’approchaient de lui mais garda la tête baissait, humble devant les Dieux comme devant les hommes, il ne se permettrait pas de dévisager quelqu’un qui venait prier… Mais de toute évidence ladite personne n’était pas là pour prier, elle lui tapota pour l’épaule et s’avéra être Delari. Krall rendit son sourire au compère qui l’avait aidé, à la fin du mois dernier, à se faire un peu d’argent et à ne pas se faire avoir par le bailli de Belauror. Il écouta les brèves paroles du marchand et hocha tranquillement la tête pour lui indiquait qu’il était d’accord. L’adolescent se leva alors et silencieusement, la tête toujours baissée, remercia les Dieux une nouvelle fois, tout en avançant vers la sortie. Là il se dirigea vers son brave cheval, qui n’avait rien de majestueux et tout de rural et remarqua que le commerçant aussi avait avec lui un animal de ce type. De toute évidence il ne s’en était toujours pas séparer, sans doute parce qu’il ne trouvait pas d’acheteur. Sans doute parce qu’ils étaient en ville, et que ce genre d’animaux étaient surtout utiles dans les champs ou pour les paysans qui devaient rapporter leurs cargaisons en ville. Le jeune homme n’avait pas vraiment l’utilité d’un tel compagnon, en effet ils étaient loin d’être très rapides et de toute manière il ne savait pas monter. Ca aurait été un bon moyen de s’entraîner, mais il fallait bien le dire, l’aspirant au mercenariat ne se sentait pas du tout à l’aise à l’idée d’être perché sur une chose aussi lourde. Certes, il n’était pas bien nerveux, mais dans le doute, il préférait rester prudent. Il aurait été bête de se faire surprendre par le destrier et être mit à terre avant d’être piétiné par celui-ci… Il ne tenait vraiment pas à ce recevoir un coup de sabot ni à devoir supporter tout le poids de cet animal. C’était donc en marchant à côté de lui qu’il le guidait. Delari voulait lui parler de choses qui ne vont pas à la dévotion, aussi le jeune homme se demandait-il de quoi il pouvait bien s’agir. En effet, Dyrwenth se trouvait être autant, voire plus pieux que Veinefer, c’était donc justifié que d’être surpris de le découvrir en train de prétendre vouloir parler d’une chose dont on ne parle pas à l’église… Puis il repensa à son métier et aux chevaux et sourit… Oui, de toute évidence il avait peur que Lullan ne lorgne sur ses richesses. Krall était quant à lui plutôt du genre à penser que le Dieu aidait les commerçants plutôt qu’il ne les jalouse. Mais c’était un avis que tout le monde ne partager pas. Certains prétendent même qu’il s’allierait avec Jion si celui-ci pouvait le payer… Mais là encore Krall n’y croyait pas trop, selon lui, Lullan respectait la diversité des Dieux et n’acceptera pas qu’une seule divinité ait la force de décision. Il regarda tranquillement son ami dans les yeux :

"Je t’écoute, Delari."

En l’entendant parler, le jeune homme se souvint leur dernière escapade… La marche avait été longue et assez ennuyeuse mais ça n’était pas bien grave. Le village n’était pas assez loin pour que la marche soit trop contraignante. A vrai dire il se souvenait surtout du combat qu’il avait du mener contre les hommes de main de l’ancien bailli, des paysans trop flemmards pour être travailleurs. Il les avait mis au sol avant de les achever à coups de pioche, un outil dont il s’était paré comme s’il s’était agit d’une arme… D’un autre côté c’était ainsi qu’on l’avait utilisé contre lui. Aujourd’hui encore il la portait, la voyant comme un bon moyen de se défendre en cas de problème. Bientôt, les paroles de Delari le firent sourire. Il avait envie de sentir de nouveau cette excitation du combat se manifester, oui, il voulait devenir mercenaire. Oui, il acceptait de suivre son interlocuteur jusqu’à Belauror pour vendre son cheval sans frais d’intermédiaire en l’échange de la protection qu’il lui fournirait, c’était même une très bonne idée. Il voyait le jeune Dyrwenth comme un bon dévot, jeune et plein d’espoir. En tant que marchand intelligent, il serait sans doute bien vite assez riche pour avoir de l’influence et à partir de là il pourrait être très avantageux d’avoir été son garde lors de ses débuts. Une fois que les gens savaient qu’on avait travaillé pour quelqu’un d’important, ils vous regardent autrement, ils vous voient comme un allié de poids. En somme, si jamais Delari devenait riche, il lui permettrait de décrocher des contrats de mercenariat plus facilement. Alors il pourrait ressentir cette puissance plus souvent, il pourrait se battre et devenir plus fort, plus talentueux au combat. Il deviendrait un vrai guerrier. Il hocha vivement la tête dans le but de montrer à son interlocuteur que ce qu’il lui proposait était tout à fait acceptable et que, de fait, il acceptait sans aucun doute.

"Bien, mais si tu veux y aller aujourd’hui, mieux vaut ne pas trop traîner, on ne sait jamais si on est ralentis et je ne tiens pas à dormir dans un village inconnu."

Sur ces mots il caressa doucement son cheval et le fit avançait en direction des quartiers modestes de la ville, le meilleur moyen d’atteindre l’Est de la cité étant de passer par la sortie Est, laquelle était justement du côté le plus pauvre du bourg. Mais la pauvreté urbaine n’était rien face à la misère des petites gens qui vivaient à la solde du Saint Conseil, dans les champs où ils travaillaient pour la ville sans en retirer toutes les richesses qu’ils produisaient… D’un autre côté ils n’auraient pas accès à ces terres s’ils ne le faisaient pas et n’auraient sans doute rien de plus à faire que voler en ce cas. Et le vol était un déshonneur, tandis que le métier d’agriculteur était assez honorable. En avançant, Krall se tourna vers son camarade et lui sourit sans lui parler, sachant que celui-ci s’en chargerait sans doute à sa place. En effet, Dyrwenth était loin d’être quelqu’un qui avait sa langue dans sa poche, bien au contraire il était particulièrement loquace et ne cessait d’ouvrir la bouche. En ça ils étaient l’opposé l’un de l’autre, en effet peu sociable, Veinefer utilisait sa voix le moins possible et toujours de la façon la plus précise afin qu’on ne lui demande pas d’expliquer d’avantage ces propos. Lorsqu’il savait que ce qu’il dirait pouvait entraîner des questions, il s’abstenait de parler et écouter sans commentaire son interlocuteur. A présent en train de marcher en direction de Belauror, il laissait au loisir du marchand de faire la conversation pour eux-deux.